You ? Finally...

Elle était là, au bout de ma flèche, dans ma ligne de mire. Elle était si belle, si forte. Mais si faible à la fois, chétive, vous voyez. C’est aussi pour cela qu’elle en était une proie parfaite. Délicieuse. Et cela faisait des jours entiers que la chasse n’avait pas été fructueuse, je n’avais pas eu le courage d’enfoncer la pointe de ma flèche dans un nouveau corps. Il y eut un bruit, vous savez, le genre de bruit que les humains qui ne s’y connaissent rien font quand ils se baladent en forêt. Et je jurais tout bas en voyant la biche s’échapper en quelque seconde. Je me promis intérieurement que cette personne allait passer un sale quart d’heure et partit à la recherche de l’origine du bruit. Ce ne fut pas franchement compliqué étant donné que ce bruit appelait mon prénom. Chose assez rare ici. On ne voyait pas souvent des êtres plus ou moins humains s’incruster entre ces arbres. Ou alors bien souvent dénués de toutes bonnes intentions. Je ne reconnus pas tout de suite la voix, simplement parce qu’elle était brisée en écho étranges. Voilà le genre de choses qui arrivaient dans la forêt profonde, elle ferait tout pour vous perdre pour vous dévorer plus tard. Beaucoup disent qu’il ne s’agit que d’une simple forêt, mais, oh, croyez-moi, elle est bien plus que cela.

Néanmoins, la même scène que précédemment vint à se répéter. La flèche, la proie, car je m’étais mis en tête d’éviter tous risques, c’est ce que m’avait dit mon hôte, alors je m’y tenais, et dès que je voyais quelque chose d’étranger bouger, il pouvait être sûr d’être menacé par une de mes flèches d’argent. Je m’approchai en silence, pour essayer de discerner la forme, elle n’était pas animale, elle n’envoyait pas les signaux caractéristiques de ceux-ci. J’avais donc de la visite, génial. Vous savez tous comme j’adorai ça. Bref. Je restai quelques secondes à calmer ma respiration et observer la forme entre les feuilles avant de relever légèrement les yeux car quelque chose brouillait un peu ma vue. Et à vrai dire, il s’agissait d’une aura, une grande chouette blanche dont les reflets colorés divaguaient sur son plumage. Je connaissais cette aura, j’avais voulu la libérer une fois. Bon, très bien, je ne risquais donc pas de danger, la petite était futée, mais elle ne se baladerait pas avec une arme. D’autant plus que sa présence ici soulevait bon nombre de questions dont j’avais toujours tut la voix.

« Sehen. Tu ne devrais pas venir ici, c’est bien trop dangereux. » Je n’étais pas particulièrement protectrice avec les gens, après tout, notre liberté finit là où celle des autres commence, et sincèrement, mon trip n’était pas de les saouler avec des réflexions. S’ils voulaient risquer leur peau, c’était leur problème. Mais Sehen, elle n’était pas tout à fait comme cela. Sehen elle avait ce regard un peu perdu et cette sensation d’être tiraillée entre plusieurs mondes, je connaissais cela, je le vivais aussi au quotidien. Et la pauvre petite s’était aventurée là où elle n’aurait jamais dû mettre les pieds.  « Est-ce que je dois déduire que quelque chose de grave est arrivé pour que tu viennes me trouver ? » Après tout, j’avais confiance en cette petite créature aussi étrange que cela puisse paraître. Et j’étais certaine qu’elle serait sans doute une des seules à bouger ses fesses pour me prévenir si quelque chose se tramait. Bon, mon idiot de frère ne pouvait pas avoir disparu ou être en danger, non, je connaissais ses ondes et je les recevais à plusieurs kilomètres, et ouais, c’est ça d’être jumeaux. Alors ça devait être autre chose. « A moins que tu aies eu la bonne idée de faire une balade dans la plus dangereuse des forêts de l’île. » Je ne lui faisais pas des reproches, en tout cas ça n’y ressemblait pas sur ce ton amusé. Mais il fallait qu’elle comprenne qu’elle était importante aux yeux de beaucoup de monde, et je n’imaginais pas ce qu’on me ferait subir s’il lui arrivait quelque chose ici…

You ? Finally...

Sa remarque aurait pu me faire l’effet d’une bombe, j’aurais pu m’écrouler et pleurer toutes les larmes de mon corps en criant « pourquoi ?! » mais il n’en fut rien, simplement parce que j’étais déjà au courant. Et lorsque m’on ami habitant en bordure de la forêt m’avait annoncé la nouvelle, je n’avais pas eu cette réaction, non, j’avais froncé les sourcils, croyant à une mauvaise blague, l’espace d’une seconde. Mais ce type-là n’était pas vraiment le genre à faire des vannes un peu stupides. Non, vraiment, il avait constamment ce regard sérieux, sûr, mais un peu inquiet. Il devait me voir comme une espèce de gamine têtue. Enfin bon, là n’était pas la question. Mon père était mort. Tsss… Toujours à se faire des ennemis celui-là. Et même si je vivais bien d’avantage dans le moment présent que dans le futur, sa réflexion me fit froncer les sourcils. Sur le coup, Sehen n’avait pas tort, et pour le coup, elle, elle vivait bien dans le futur. Si elle s’inquiétait tant, c’est qu’elle ne savait pas ce qui allait se passer, logiquement, et très honnêtement, ce genre de situations ne me plaisait pas vraiment. Je n’étais pas vraiment du genre à me reposer sur les autres, c’était sûr, cependant, je n’étais pas non plus particulièrement fan à l’idée d’affronter le destin toute seule.

« Je suis au courant, oui. Mais c’est plutôt gentil d’être venue jusqu’ici pour me l’annoncer. » Ça l’était, c’était évident. Elle aurait très bien pu ne jamais passer me voir et simplement vivre sa vie, chacune de notre côté, comme nous l’avions toujours fait jusqu’ici. Mais Sehen avait donné le premier coup dans le mur, c’était assez intéressant à voir. Appuyant ma réponse d’un léger hochement de tête grave, je glissai ma flèche entre mes doigts pour caresser sa pointe de métal de mon index. Sehen était une jeune femme très intéressante à observer. Néanmoins, la peur maladive qu’elle avait du futur et des impacts que nous avions sur celui-ci finirait par la perde, j’en étais persuadée. Alors j’esquissai un léger sourire, un sourire rassurant, avant de simplement lâcher, en tout innocence : « Tu n’as pas une idée de qui pourrait être responsable de cet assassinat ? Toi qui vois le futur… » Je sous entendais gentiment qu’elle l’avait probablement pressenti, sans rien pouvoir faire, probablement, ce n’était pas des reproches, simplement de la collecte d’informations.

J’approchai, un peu maladroite avec les relations humaines, avant de poser sa main sur son épaule pour lui faire un léger sourire, un sourire qui se voulait rassurant. « Je sais que la moitié des gens ici sont de profonds psychopathes, mais ils sont bien trop détachés et paresseux pour prendre le contrôle de l’univers. » Ok, je l’avoue, ce n’était peut-être pas la remarque la plus rassurante que je puisse lui dire, en revanche, c’était bien la seule qui était sortie de ma bouche, et cela devait être sans doute dû à ma capacité – ou mon incapacité – à sortir constamment des mots totalement spontanés de ma bouche. J’avais dû mal à manipuler les autres, à calculer d’avance leurs réactions, ce n’était pas dans mon intérêt. Je suis une fidèle adepte du « je suis comme je suis, faites avec ou ne faites pas », je pense.  

« Tu n’es venue que pour cela ? » J’avais été un peu précipitée dans mon ton, avant de reprendre, consciente que ma phrase n’était pas vraiment des plus sympathiques. « Enfin, je veux dire, reste avec moi la journée, si tu veux, je te guiderai pour sortir de la forêt. » Cette forêt que je connaissais par cœur, cette forêt qui était ma maison et ma prison. Je savais que je pouvais m’enfuir d’ici, et je ne manquais pas de partir, de temps en temps, de prendre le large, mais je n’étais pas capable de faire autre chose que de constamment revenir ici, à la recherche de mon fantôme, du loup, qui hantait mes pensées, les plus obscures comme les plus lumineuses.